La bataille pour le logiciel libre en Afrique

« La bataille pour le logiciel libre en Afrique », est entretien de Loup Viallet avec Wilfried N’Guessan, auteur ivoirien, développeur, promoteur du logiciel libre en Afrique. Un entretien publié sur le site géopolitique Les Yeux du Monde.

D’où vient le logiciel libre ? Quelle est la différence entre logiciel libre et logiciel propriétaire ?

Le concept est né aux Etats-Unis dans les années 1990. C’est en rencontrant des difficultés pour faire une impression qu’un informaticien du nom de Richard Stallman qui travaillait au MIT constata qu’il lui suffisait pour surmonter son problème de disposer du code source du logiciel de l’imprimante, puis de l’adapter afin de réaliser facilement son impression. Il a donc cherché à l’obtenir, mais la maison du fabricant a refusé de le mettre librement à sa disposition. Cette anecdote illustre dans quelles conditions le mouvement en faveur du logiciel libre a pris son origine.

Le logiciel libre repose sur 4 libertés fondamentales qui exigent de toujours donner le code source de fabrication d’un logiciel avec le droit de modifier, de l’adapter puis de le redistribuer sous toutes les formes possibles.

Le logiciel libre s’oppose au logiciel propriétaire (on dit aussi privateur), qui privatise ces règles, et restreint techniquement et légalement l’accès au logiciel au seul détenteur du code de fabrication.

A quoi sert le logiciel libre pour les entreprises, les particuliers ? Quels usages en sont privilégiés par les Africains et pour quels besoins ?

Aujourd’hui l’Afrique demeure sous-équipée dans presque tous les domaines et les nouvelles technologies ne font pas exception à la règle : elles sont d’abord développées dans les pays industrialisés. Aussi le logiciel libre représente en Afrique une aide au développement, pour les entreprises comme pour les particuliers.

C’est un transfert de technologie à la fois très économique et très rentable, peu coûteux, très adaptable et très utile pour démarrer une activité ou améliorer des services. Il intéresse beaucoup de monde. A leur sortie de l’école les jeunes peuvent se perfectionner sur ces technologies en libre-accès et mettre ainsi en valeur leurs compétences et leurs savoir-faire.

Enfin presque toutes les PME et PMI qui ont des sites internet ou des messageries personnalisées utilisent des solutions d’hébergements basées sur des logiciels libres car elles sont financièrement accessibles et suffisamment robustes pour fournir un service de qualité. Pour gagner visibilité dans sur internet ils ont pratiquement tous recours à des CMS ou des site web en langage php qui proviennent aussi du libre

Quels sont les pays africains où les outils du numérique sont les plus développés et pourquoi ?

Je n’ai pas consulté d’études récentes à ce sujet, mais comme acteur et témoin des transformations numériques sur le continent, deux pays retiennent particulièrement mon attention.

D’abord l’Afrique du Sud. Jusqu’en 2013 ce pays avait une politique d’éducation qui mettait les technologies libres à l’honneur ; cette stratégie leur a permis de former, notamment avec l’appui de systèmes d’exploitation comme UBUNTU (commercialisés par la société britannique Canonical) une génération de jeunes bien outillés, dont les initiatives sont à présent remarquées. Je trouve regrettable, pour les jeunes sud-africains, que leur gouvernement ait abandonné cette stratégie innovante au profit des technologies privatrices, sans doute pour garantir le monopole de quelques-uns.

Il y a aussi le gouvernement tunisien qui, malgré ses forts liens avec le sociétés de logiciels privateurs, a nommé un secrétaire d’État auprès du Ministre des technologies de la communication chargé de l’informatique, d’Internet et des logiciels libres. C’est un signal timide, mais qui va dans le bon sens, espérons qu’il soit vraiment suivi par des avancées concrètes. Je pense enfin au Rwanda, où un grand nombre de collectivités locales et de startups font tourner des services qui fonctionnent avec des logiciels libres.

Tous les logiciels libres sont-ils transposables à l’Afrique ?

Oui, tant que le besoin auquel il répond existe ! Précisément, l’avantage de posséder le code source permet de faire les adaptations, les ajustements, les « traductions » qui s’imposent. C’est la compétence du technicien, qui transforme ainsi un logiciel conçu au Québec pour prédire les chutes de neige, en outil capable de calculer l’intensité du soleil ou du vent dans des régions au sud du Sahara.

En dehors des pouvoirs publics, où sont les plus grandes communautés d’utilisateurs du logiciel libre en Afrique ?

D’abord son usage est multisectoriel, il semble être autant prisé par les administrations que par les entreprises, ensuite, la formation aux nouvelles technologies dépend beaucoup des choix politiques qui sont faits. Il y a des communautés d’utilisateurs et de promoteurs du libre dans presque chaque région d’Afrique, dont certaines sont très dynamiques, cependant les initiatives publiques cherchant à installer et à valoriser son usage demeurent rares, partielles, arrêtées à mi-chemin (comme en Afrique du Sud). Les communautés les plus influentes sont au Kenya, en Afrique du Sud, et maintenant de plus en plus en Afrique de l’Ouest, où l’on assiste à une solide dynamique notamment chez les jeunes Ivoiriens. On notera les quelques actions du gouvernement ivoirien, visant à sensibiliser l’usage de ces technologies dès l’école.

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